Laura, 41 mois et 3 jours de grossesse

Laura, 34 ans, est mère depuis 2 ans. Elle vit à Joinville-Le-Pont, dans le Val-de-Marne, avec son mari et leur petit garçon. L’aventure de la maternité, elle a toujours souhaité la vivre. Avec une grande impatience. Désir profond, angoisse et amour fou : voici son histoire.

La grossesse de Laura

14 MOIS

Mon désir d'enfant est arrivé très jeune : j'avais 22/23 ans, soit 8 ans avant d’être mère. C’était très fort. J’ai toujours été prête, j’attendais donc avec impatience le GO de mon mari Aurélien. A partir du moment où le projet de fonder une famille a été commun - au bout de trois ans de relation, j’ai mis 14 mois pour tomber enceinte (avec quelques pauses parfois, notamment pour ne pas me retrouver malade ou à terme le jour de notre mariage...).

Je savais pertinemment que “tomber enceinte en clignant des yeux” n’était pas la norme que la société véhicule depuis toujours, mais j’ai quand même commencé à m’inquiéter au bout de 6 mois. A écouter le corps médical, il faut attendre entre 12 et 24 mois pour explorer médicalement la fertilité du couple. Je trouve ce délai très injuste, et je ne l’ai absolument pas respecté. J’ai toujours voulu trois enfants, pourquoi attendre ? Je n’avais pas le temps. Ayant subi une IVG adolescente, je souhaitais savoir si j’en avais gardé des séquelles, et si Aurélien, n’ayant jamais eu d’enfant, rencontrait des difficultés pour concevoir. Et réagir rapidement au besoin.

Je suis allée exposer mes arguments à une gynécologue, qui a été plutôt compréhensive. Nous avons réalisé des examens qui n’ont rien révélé d’alarmant sur une potentielle infertilité ou incompatibilité. Les mois qui ont suivi, j’ai utilisé des tests d’ovulation, et je suis persuadée que je suis tombée enceinte grâce à ça ! J’étais perdue, je calculais mal mes cycles, ils étaient irréguliers, ça a donc été d’une aide précieuse. Dans la médecine traditionnelle, personne ne parle du fait que la consistance de la glaire cervicale peut donner des indices sur les périodes du cycle et en l’occurrence celle de l’ovulation, qu’il faut écouter son corps, noter potentiellement ce que l’on ressent pour mieux comprendre comment nous fonctionnons, et ainsi mettre toutes les chances de son côté en conscience [coucou le site Émancipées, qui fourmille d’infos à ce sujet NDLR]. Aujourd’hui, je sais faire, grâce à des lectures adaptées et une éducation sexuelle et reproductive plus alternative. 

 

9 MOIS ET 3 JOURS

Lors de mes premières semaines de grossesse, j’étais très malade, j’avais des nausées quotidiennes, en partie car j’étais terrifiée de perdre l'embryon. J'ai sursollicité ma gynéco et j'ai passé des échos à peu près tous les mois pour me rassurer. J’avais 30 ans, je n’étais pas dans la naïveté de la jeunesse, la parole se libérait déjà beaucoup autour de la fausse couche [15% des grossesses se terminent dès les premieres semaines NDLR] et du deuil périnatal. J’étais donc très/trop consciente que cela pouvait m’arriver concrètement. J'avais peur de pleurer cet enfant. Parce que si l’on calcule, cela faisait en vrai pas 14 mois que je l’attendais, mais près de 10 ans ! S’il arrivait quelque chose, j’étais aussi terrifiée de reprendre la posture que j’avais quelques mois en arrière, celle où je ne supportais plus qu'on m'annonce une grossesse par exemple… 

J’ai arrêté d'angoisser aux alentours du 4e mois, je me suis sentie physiquement bien mieux et psychologiquement aussi. Mon ventre s’est vraiment bien arrondi, tout était plus concret, et j'ai vécu ma meilleure vie jusqu'à mon accouchement ! A part quelques insomnies à la fin, j’ai été dans une forme olympique. Pas eu mal au dos, pas eu mal aux jambes : autoroute du kiff (rires…), jusqu’à 9 mois et 3 jours !

18 MOIS

L’arrivée de Stan dans ma vie a été un bouleversement. Une tornade. Je n’ai pas ressenti juste de la joie, mais une transcendance. Je ne faisais que pleurer. Je me disais : “Ce n'est pas possible que ce soit moi qui ait fabriqué cet être aussi parfait et ce n’est pas possible de ressentir tous ces sentiments à la fois”. J'étais complètement dépassée et je me demandais quand cet état allait s'arrêter. Je ne pensais qu’à lui, je ne regardais que lui, je ne pouvais pas m’empêcher de l’embrasser, et je pleurais, je pleurais, je pleurais. Ca été le feu destructeur. J'ai pleuré comme ça tous les jours je dirais pendant 8 semaines, puisque quand j'ai fait mon rendez-vous de suivi gynécologique des 6 semaines post-partum, je pleurais encore. Tout cela était un mélange d’émerveillement et d’épuisement. Je n’ai pas supporté du tout le manque de sommeil, et je n'avais pas les ressources mentales ni physiques (j’ai mis entre autres 3 mois à me remettre de mon épisiotomie) pour assimiler ce que j'étais en train de vivre.

Physiquement, je dirais que j’ai mis un an à me reconsidérer. A reprendre possession de mon corps, mieux dormir; à accepter l'idée de faire du sport ou simplement de me regarder. Je n’y ai pas pensé avant. Je pense que je me suis rendue service de me laisser tranquille. On a assez de pression de toutes parts pour se la mettre à ce sujet. 

Psychologiquement, ça a été plus long, car j'ai eu un retour de congé maternité au travail très mal accompagné. Si j’avais eu un management plus carré et bienveillant, avec des outils dédiés à cette reprise particulière dans la vie des femmes, je pense que mon état complexe aurait duré moins longtemps. J’ai passé bien 18 mois dans le brouillard. 

Le congé maternité est TROP court. Accoucher, appréhender la maternité, changer une nouvelle fois de corps, se séparer de son enfant, le confier à quelqu’un d‘autre, reprendre sa carrière là où elle était et la poursuivre avec motivation. En 4 mois donc ? 6 mois d’arrêt complet serait bien plus confortable pour les mères et familles, et encore... Je suis une fervente militante de la prolongation du congé maternité [voir la pétition soutenue par la queen sage-femme Ana Roy NDLR]. Le système en place est bien trop violent. 

Heureusement, la libération de la parole sur le post-partum a été salvatrice pour moi.

J’ai pu aller mieux et me sentir moins seule grâce à la sororité, à des podcasts comme La Matrescence, comme Travail en cours - qui traite du bien-être dans la vie professionnelle, à des lectures, telles que le livre d’Illana Weizman Ceci est notre Post-Partum, le compte Instagram de Fiona Schmidt @bordeldemeres, et bien d‘autres. Merci aux femmes de nous DIRE, et à leur manière : de nous reconstruire. 

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